Décadence psychédélique à Chelsea, Londres

Au début de l’année 1966, Granny Takes a Trip a ouvert ses portes au 488 King’s Road, dans le quartier de Chelsea, à Londres. À l’origine de cette boutique légendaire, on trouve le graphiste Nigel Waymouth et sa petite amie Sheila Cohen, grande collectionneuse de vêtements de l’époque victorienne. Le troisième larron de cette aventure psychédélique s’appelait John Pearse.

C’était un ancien mod et un ancien apprenti chez Hawes & Curtis à Saville Row qui, sous l’influence de la décadence fin-de-siècle et de l’art nouveau (Aubrey Beardsley évidemment), se servait de son talent pour adapter les vêtements vintage à la mode du jour. Tout concourait à faire de Granny Takes a Trip une boutique unique même en plein Swinging London. D’abord, les décorations de la devanture étaient délirantes : le portrait géant du chef indien Running Bear, le visage stylisé de la star hollywoodienne Jean Harlow façon art déco, l’avant d’une Dodge Automatic de 1947 sortant de la vitrine entièrement peinte en jaune, pour ne parler que des plus célèbres.

L’ambiance de la boutique n’était pas en reste. Aux murs violets décorés avec des dessins érotiques d’Aubrey Beardsley, répondaient l’air chargé d’une lourde odeur d’encens, de patchouli et d’herbe et la musique psychédélique assourdissante. Le prix des vêtements étaient prohibitifs. Rien n’était trop beau pour Waymouth et Pearse qui n’hésitaient pas à acheter des tissus Liberty au prix du détail et à faire appel aux mêmes petites mains que les tailleurs de Savile Row. Mais la qualité des vêtements était au rendez-vous car John Pearse prêtait une grande attention au façonnage. Tout n’était que luxe, calme et volupté : Dorian Gray affublés de « hipsters » en velours.

La clientèle très sélect, composée de jeunes bourgeois, de jeunes aristocrates et de pop stars (les Animals, John Lennon, Jimi Hendrix, les Rolling Stones…), appréciait l’atmosphère décontractée et exclusive de la boutique. Néanmoins, en 1969, la boutique a montré des signes d’essoufflement. Pearse regrettait que la boutique devienne peut à peu un repaire de hippies. Quant à Nigel Waymouth, sa collaboration avec Michael English au sein de Hapshash and the Coloured Coat l’a peu à peu détourné de la boutique. Finalement, Waymouth, Pearse et Cohen ont fini par céder le magasin à Freddie Hornick (qui dirigeait précédemment la boutique Dandie Fashions avec Alan Hoston). Mais ceci est une autre histoire.

En image; Écharpe en soie bleu et bronze avec plumes de paon stylisées et The Day of the Peacock: Style for men 1963-73